POURQUOI LES JEUNES SUISSESSES DORMENT MAL?

Catherine Rüttimann

Publié il y a 3 semaines

28.03.2025

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Un nombre croissant d'adolescentes et de jeunes femmes souffrent de troubles du sommeil. La faute aux écrans mais pas uniquement.

Historiquement, les troubles du sommeil se retrouvent chez les catégories plus âgées de la population, en particulier chez les femmes. La faute revient notamment à la ménopause et à l’augmentation des risques de maladies avec l’âge, au niveau respiratoire, ou encore à cause d'une dépression, par exemple. Toutefois, l’Office fédéral de la statistique (OFS), dans sa dernière Enquête sur la santé, note un phénomène nouveau: l’augmentation des troubles pathologiques chez les femmes entre 15 et 39 ans dépasse celle observée chez les femmes de plus de 40 ans. Passant de 6% à 9,5% entre 1997 et 2022 pour les plus jeunes, tandis que chez les femmes de plus de 40 ans ce taux est passé de 8 à 10% sur la même période.  

Ces troubles pathologiques, qui se définissent par un sommeil agité et plusieurs réveils par nuit, sont problématiques. Ils s’accompagnent d’un risque accru de maladies cardiovasculaires et d’effets néfastes sur la santé psychique. «Il faut néanmoins noter qu’il est parfois difficile de démêler les causes des conséquences, puisque celles-ci ont tendance à s’alimenter mutuellement», selon Virginie Bayon, médecin-cadre au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV.

Écrans coupables

Pour la spécialiste, cette hausse chez les jeunes femmes dans toute la Suisse vient confirmer son observation de terrain. «Le principal problème, c’est l’exposition aux écrans. Les médias et les réseaux sociaux empiètent beaucoup sur le temps de sommeil.» Selon l’OFS, les personnes passant plus de deux heures par jour devant la télévision ou des vidéos, sur les réseaux sociaux ou encore sur leur ordinateur, smartphone ou tablette pour d’autres usages souffrent davantage de troubles de sommeil modérés et pathologiques. La prévalence peut être jusqu’à huit points de pourcentage plus élevée chez cette population que chez celle limitant à deux heures son utilisation d’écrans.

Autre explication possible selon la spécialiste du sommeil des enfants et des jeunes: le stress et l’anxiété. «Même si un biais de déclaration ne peut être exclu, les hommes rapportent moins de tristesse et d’anhédonie, c’est-à-dire de perte de la capacité à ressentir le plaisir, que les femmes.» Une puberté plus précoce chez les adolescentes pourrait jouer un rôle en ce sens. Virginie Bayon pointe également du doigt la pression académique, les attentes culturelles, le poids de l’apparence physique et la nécessité de performer, autant d’éléments qui pèsent davantage sur les épaules des jeunes femmes. 

Rétablir l’équilibre

L’association entre le manque de sommeil et les problèmes de santé mentale est connue depuis longtemps. Toutefois, l’écran ajoute de la complexité à cette dynamique. «Certain-es jeunes utilisent ces supports pour calmer leur angoisse, explique la doctoresse. Or, on sait que la lumière bleue qu’ils émettent impacte beaucoup l’horloge biologique.» Et qui dit écrans avant d’aller au lit, dit possible perturbation du sommeil, et qui dit insomnie dit angoisse, et donc recours aux écrans, et ainsi de suite. 

«Chez les jeunes femmes, comme chez tous les jeunes d’ailleurs, un des premiers conseils pour améliorer le sommeil consiste à stopper les écrans une à deux heures avant le coucher.» Un travail sur l’hygiène de vie globale doit aussi être mené. «Le niveau d’activité physique, l’alimentation choisie, ou encore la consommation de boissons stimulantes, alcoolisées ainsi que de tabac ou de cannabis sont passés en revue de façon à rétablir l’équilibre.» Un travail qui ne peut être fait qu’avec la coopération des patientes, quel que soit leur âge. 

 

BIOGRAPHIE

Virginie Bayon est médecin-cadre au Centre d'investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV. Elle s'occupe en particulier des personnes qui souffrent de troubles du sommeil en relation avec des horaires de travail irréguliers. Elle s'est également formée dans les troubles du sommeil de l'enfant et a développé, avec le service de pédiatrie, une consultation spécifique en sommeil pédiatrique. 

 

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