Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’Elon Musk fait parler de lui. En décembre dernier, l’entrepreneur sud africain annonçait que sa start-up Neuralink saurait implanter son premier appareil connecté dans le cerveau d’un être humain dans les six mois à venir. L’objectif ? Booster le cerveau d’un individu en parfaite santé, pour le rendre encore plus efficient.
Le milliardaire avait annoncé en juillet 2019 que Neuralink réaliserait ses premiers essais sur des humains l’année d’après. Il aura finalement fallu attendre mai 2023 pour que les autorités sanitaires américaines autorisent des tests d’implants sur des humains par Neuralink.
Une innovation spectaculaire au CHUV-EPFL
Plus près de chez nous, la recherche autour de l’intelligence artificielle appliquée à des fins thérapeutiques avance également. Une équipe du centre NeuroRestore, à Lausanne, vient de développer un implant cérébral permettant de faire remarcher une personne paralysée grâce à la pensée, c’est-à-dire en lui faisant imaginer et visualiser les mouvements souhaités. Une nouvelle étape spectaculaire menée par la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, au CHUV, et le neuroscientifique Grégoire Courtine de l’EPFL, un duo bien connu dans le milieu.
«Je peux lancer le mouvement avec mon cerveau»
explique le patient qui a retrouvé la marche grâce à un implant cérébral.
En 2018, l’équipe pluridisciplinaire parvenait déjà à redonner la possibilité de marcher à des personnes paraplégiques grâce à des électrostimulations diffusées sous la lésion de la moelle épinière. Ce projet, c’était Stimo. Depuis, un palier supplémentaire a été franchi, en impliquant cette fois le cerveau. Avec ce nouveau système, la personne est toujours équipée d’un implant au niveau de la moelle épinière au-dessus de la blessure, mais aussi d’un deuxième implant inséré dans le cortex cérébral. «Cet implant permet de décoder l’intention motrice du patient au niveau cérébral, explique Henri Lorach, chef du projet. L’intention détectée est convertie en impulsions électriques sur la moelle épinière qui va engendrer le mouvement voulu. Il s’agit donc de restaurer la connexion entre le cerveau et la moelle épinière, par un pont digital.»
À ce jour, le nouveau dispositif – BSI, pour Brain-Spine-Interface –, développé en collaboration avec l’équipe de recherche Clinatec du CEA de Grenoble, a fait l’objet d’un seul essai clinique sur un patient qui avait déjà participé à l’étude Stimo. «Cette étude pilote devrait se faire sur deux patients, mais pour l’instant nous n’en n’avons inclus qu’un seul», précise Jocelyne Bloch. D’autres essais sont prévus pour la réactivation des membres supérieurs. L’équipe vient en effet d’obtenir les autorisations de SwissMedic et de SwissEthics qui valident l’essai pour les bras.
Des résultats satisfaisants après une semaine
Dans le futur, l’intégration des deux implants pourrait se faire en une seule intervention chirurgicale. Avec le patient concerné, qui portait déjà le capteur au niveau de la moelle épinière, l’équipe a pu décoder les signaux de la marche très rapidement, puis l’entraîner à ressentir et à imaginer ses mouvements. Après une semaine environ, et en moins de dix séances, il a pu faire ses premiers pas.
La grande avancée par rapport à Stimo, c’est que l’implant cérébral permet une marche plus fluide, même si elle reste plus lente que celle d’un individu valide et qu’elle nécessite une aide telle que des béquilles ou un déambulateur. «C’est le cerveau du patient qui déclenche le mouvement, et non un programme externe, expose Jocelyne Bloch. Il s’agit donc exactement du même mécanisme que celui présent chez une personne valide, même si pour cette dernière, le mouvement se fait automatiquement.»
Une compétition qui n’en est pas une
Quant à la course aux implants cérébraux, la neurochirurgienne Jocelyne Bloch ne se formalise pas. «Cette compétition déclarée est plus un amusement qu’autre chose. C’est positif que plusieurs personnes travaillent dans le domaine, cela fait avancer les choses.» D’autres institutions dans le monde participent à ce type de recherches. Le centre Clinatec, à Grenoble, a développé et utilise le même dispositif cortical que l’équipe du CHUV-EPFL, «à la différence près que les intentions du patient contrôlent un exosquelette qui assiste les mouvements, alors que notre projet vise à ce que le patient retrouve le contrôle de ses propres muscles», explique Henri Lorach.
Pour l’instant, la technologie développée est surtout prévue pour réparer les lésions de la moelle épinière. «Dans l’absolu, il serait possible de rétablir le circuit dans d’autres types de pathologies, par exemple dans le cas d’un AVC, si le cortex est toujours enregistrable», avance Jocelyne Bloch. Potentiellement, le système pourrait aussi s’appliquer à des individus atteints de la maladie de Parkinson, pour rectifier des troubles de la marche.