
Attention, images scientifiques truquées
Publié il y a 4 semaines
24.03.2025
Partager

Avec l’essor de l’Intelligence artificielle (IA), le plagiat académique devient encore plus problématique. Une étude publiée en 2022 dans le European Journal of Radiology indiquait que parmi les 219 auteur-es ayant récemment publié dans les douze meilleures revues de radiologie, 27,4% avaient soit été témoins, soit soupçonnaient une fraude chez leurs collègues.
L'utilisation de logiciels pour détecter le plagiat dans les textes scientifiques est désormais largement répandue. En revanche, les programmes dédiés aux images ne sont pas autant développés, ni utilisés. Avec le déploiement de l’IA, la falsification et le plagiat d’images scientifiques deviennent donc un défi de taille. C’est ce que font valoir les radiologues Thomas Saliba et David Rotzinger du Service de radiodiagnostic et radiologie interventionnelle du CHUV, dans un article publié en début d’année dans la revue European Radiology. «La majorité des personnes pense que la communauté scientifique est rigoureuse et honnête, et que même si elle ne l'était pas, il serait difficile de falsifier des images de manière concluante, indique Thomas Saliba. Or, depuis quelques années, il n’y a plus besoin de connaissances techniques particulières pour falsifier des images de façon convaincante. Elles deviennent parfois même presque impossible à détecter.»

«Depuis quelques années, il n'y a plus besoin de connaissances techniques particulières pour falsifier des images de façon convaincante», selon Thomas Saliba du Service de radiodiagnostic et radiologie interventionnelle du CHUV.
La radiologie à risque
Rien qu’en 2023, plus de 10'000 articles ont été retirés pour plagiat et fraude, rapporte la revue Nature. «Une dérive sous-estimée par la communauté scientifique», selon Thomas Saliba, qui l’explique aussi par l'immense pression exercée sur les chercheurs et les chercheuses afin qu’ils et elles publient un maximum. La radiologie repose fortement sur des images numériques, c’est donc une spécialité à risque, souligne le spécialiste.
«On peut potentiellement falsifier des preuves validant une nouvelle technologie ou une nouvelle technique, ce qui peut être très dangereux», prévient David Rotzinger, par ailleurs maître d’enseignement à l’UNIL. Par exemple, des médecins de l’Université d’Oxford prétendaient avoir développé une technique pour différencier des lésions sans avoir recours au Gadolinium, un métal rare utilisé comme produit de contraste dans les IRM. Mais, il s’est avéré que les images et donc les résultats étaient faux. «Si la fraude n’avait pas été repérée, des patient-es auraient pu recevoir un faux diagnostic et donc potentiellement des traitements inappropriés.»

«On peut potentiellement falsifier des preuves validant une nouvelle technologie ou une nouvelle technique, ce qui peut être très dangereux» d'après David Rotzinger du Service de radiodiagnostic et radiologie interventionnelle du CHUV.
La radiologie n’est pas le seul domaine concerné. Des images sont utilisées dans toutes les spécialités médicales, relève David Rotzinger. «Souvent, nous comparons ce que nous voyons lors de nos examens cliniques à des exemples dans la littérature. Si nous ne pouvons plus faire confiance à ce que l'on trouve dans les livres et les journaux, notre travail devient beaucoup plus difficile.»
Thomas Saliba et David Rotzinger estiment qu’il est nécessaire de chercher à détecter la manipulation d'images au même titre que le plagiat textuel. Certaines entreprises de logiciels, comme Proofig AI ou Imagetwin.ai, proposent déjà ce genre de services. Les deux chercheurs considèrent toutefois que l'IA est relativement négligée en tant qu'outil pour scanner et détecter les images falsifiées soumises aux revues.
Lors de leur travail en tant que réviseurs, le duo a même trouvé des figures prises d'autres sources que les auteur-es des articles soumis tentaient de faire passer pour leurs propres images, après avoir changé leur orientation. Dans de tels cas, une simple recherche d'image inversée sur Google à l'aide de l'image de l’article soumis peut montrer exactement de quelle publication elle a été tirée, constate Thomas Saliba. «Cette méthode - extrêmement simple, mais efficace - constituerait une bonne base pour un algorithme de détection afin d’éviter toutes formes de plagiat.»
Pour aller plus loin
L’article «Figure plagiarism and manipulation, an under-recognised problem in academia» de Thomas Saliba et David Rotzinger a été publié dans la revue European Radiology en février dernier.
Lien vers l’article:
https://link.springer.com/article/10.1007/s00330-025-11426-2