SOIGNER GRÂCE AU TRAUMA

Julia Rippstein

Publié il y a 1 semaine

12.02.2025

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Une étude met en lumière pourquoi l'on devient plus résilient-e en observant un-e proche vivre une expérience traumatisante.

Être témoin d’un-e proche faisant face à une expérience traumatisante renforce sa propre capacité de résilience. Le phénomène avait déjà été observé, sans comprendre exactement ce qui se jouait dans le corps. Une équipe de neuroscientifiques de l’UNIL vient de cerner le mécanisme cérébral actif dans ce type de situations. Les recherches ont montré que face à l’observation d’une situation difficile dont on est le ou la témoin, le cerveau produit davantage de sérotonine. 

Pour Daniel Schechter, professeur associé à l’UNIL et médecin adjoint du Service Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (SUPEA), cette découverte est importante car elle révèle le rôle-clé de ce neurotransmetteur dans le mécanisme cérébral de la résilience. «L’étude montre que davantage de sérotonine est libérée dans le circuit du stress lorsque l’on a été exposé préalablement à une situation déplaisante similaire, explique le spécialiste. Si on subit soi-même un traumatisme, cela crée un choc. Le système neurologique est débordé et l’absorption cellulaire de sérotonine devient plus rapide que sa production.» La sérotonine joue un rôle important dans la régulation de l'humeur. Les antidépresseurs permettent d'ailleurs de prolonger l'action de la sérotonine, ce qui explique leur efficacité en cas de troubles anxieux. 

 

Piste thérapeutique

La découverte du mécanisme cérébral de la résilience constitue une piste intéressante d’approche thérapeutique pour réduire le stress dans des situations prévisibles. Il prend l’exemple d’une patiente à risque de dépression post-partum. En proposant une thérapie durant la grossesse avec une exposition à des pleurs de bébé, soit une situation stressante pour la future mère, on l’habitue à ces situations de crise. Cette pratique peut ensuite l’aider à mieux gérer la situation une fois l’enfant né. «L’encadrement thérapeutique est essentiel pour que l’exposition au stress ait un impact positif, souligne Daniel Schechter. La personne se sentira rassurée et moins impuissante.» 

Cette méthode pourrait être particulièrement utile pour améliorer la réponse aux stress mineurs et aux aléas du quotidien qui peuvent être anticipés. Le psychiatre évoque l’exemple d’une personne sur le point de reprendre le travail après un épisode de burn-out. Une piste thérapeutique pourrait être de confronter la personne, via la réalité augmentée, à des scénarios de la vie professionnelle qui sont source de contrariété. Cette mise en condition pourrait permettre à la personne de mieux faire face à des situations inconfortables, mais prévisibles, et au stress une fois de retour au travail.

Si cette étude ouvre de nouvelles perspectives, le psychiatre voit aussi des limites comme le caractère contrôlé de l’expérience. «Dans la vie, il y a potentiellement toujours un imprévu. Dans mon quotidien de médecin, je peux être confronté à tout moment à une urgence», illustre le spécialiste. On ne peut donc pas parer à toute éventualité et au stress qui y est lié. «Une accoutumance au stress n’immunise pas contre l’anxiété ou la dépression. Mais cela peut mener à une plus grande résilience.»

Pour aller plus loin

L'étude scientifique «Serotonin release in habenula during emotional contagion promotes resilience», Mondoloni S., Molina, P., Lecca, S., et al. a été publiée dans la revue Science en 2024

Elle a notamment été menée par Manuel Mameli, Professeur associé au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et de médecine de lʹUniversité de Lausanne (UNIL).

Le lien vers l'étude: https://doi.org/10.1126/science.adp3897 

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