Tendances
Texte: Erik Freudenreich
Photo: Illustration: Jelena Vasiljević

Une terre, une seule santé

Près de 75% des maladies infectieuses émergentes sont transmises de l’animal à l’être humain. De ce constat est née l’initiative « One Health », une collaboration interdisciplinaire pour lutter plus efficacement contre les menaces sanitaires.

Ce printemps, les autorités françaises ont recommandé aux habitant-e-s du Doubs et du Jura situés à proximité de zones sylvicoles de porter un masque. Non pas à cause du Covid-19, mais en raison de l’hospitalisation de plusieurs personnes atteintes d’une infection au Puumala, un virus du genre hantavirus (voir encadré), transmis par les rongeurs tels que les mulots ou les campagnols via leurs excréments.

« Ce virus provoque une fièvre hémorragique avec syndrome rénal, dont les symptômes sont similaires à ceux de la grippe (fièvre, céphalées, douleurs musculaires), explique Sylvia Rothenberger, investigatrice principale d’un groupe de recherche consacré aux hantavirus à l’Institut de microbiologie du CHUV. Elle s’avère bénigne dans la majorité des cas, mais peut parfois engendrer des problèmes rénaux graves, voire la mort des patients. »

Le Puumala qui inquiète tant les responsables sanitaires en France voisine fait partie des zoonoses, terme qui désigne un groupe de maladies infectieuses se transmettant naturellement de l’animal à l’homme. Elles comptent pour 60% des maladies infectieuses touchant l’humain. On estime par ailleurs que trois quarts de l’ensemble des maladies infectieuses émergentes font partie des zoonoses.

Les zoonoses comptent pour 60% des maladies infectieuses touchant l’humain.

Déforestation, agriculture et élevages intensifs ou encore résistance accrue aux agents antimicrobiens font partie des facteurs qui favorisent l’émergence de ces affections. Parmi elles, on peut citer le virus Ebola, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), le syndrome respiratoire aigu soudain (SRAS), la maladie virale de Zika ou encore le Covid-19.

Répondre à l’hyperspécialisation

Observant l’apparition de ces nouvelles maladies, l’Organisation des Nations unies a mis sur pied au début des années 2000 l’initiative One Health (Une seule santé).
La démarche consiste à mesurer les liens entre la santé des personnes, des animaux et de l’environnement. Elle vise également à faire collaborer les différentes disciplines dans le but de lutter contre toutes les menaces sanitaires et de prévenir une éventuelle perturbation des systèmes agroalimentaires.

Le mouvement « One Health » semble avoir repris des forces à la faveur de la crise sanitaire qui agite le monde depuis une année.

« Le concept One Health permet de répondre à l’hyperspécialisation qui a cours dans nos métiers, remarque la chercheuse Sylvia Rothenberger. Par exemple, on trouve des structures de virus similaires autant dans les plantes, les insectes que les rongeurs, ce qui peut amener à de nouvelles collaborations entre des médecins qui se centrent sur la santé humaine et des biologistes de terrain. »

Une approche qui s’est cependant longtemps heurtée à une vision plus marchande de la médecine. Mais le mouvement One Health semble toutefois avoir repris des forces à la faveur de la crise sanitaire qui agite le monde depuis une année. Ainsi, fin mai, plusieurs organisations internationales ont annoncé le lancement d’un nouveau groupe d’expert-e-s de haut niveau pour l’approche Une seule santé, dans le but de mieux comprendre la façon dont émergent et se propagent les maladies susceptibles de déclencher des pandémies.

« Ce groupe constitue une initiative indispensable pour que le concept Une seule santé se traduise en politiques concrètes protégeant la santé des populations du monde entier », a souligné à cette occasion Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé. Les liens étroits qui unissent la santé humaine, la santé animale et la santé de l’environnement exigent une collaboration et une coordination intenses entre les différents secteurs concernés. » /



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Prévenir une infection aux hantavirus

Les hantavirus sont présents chez les petits mammifères tels que les souris ou campagnols. Morsure, contact direct avec les animaux ou inhalation de poussière contaminée peuvent provoquer une infection. Depuis l’an 2000, près de 3000 cas sont recensés en Europe chaque année, mais la Suisse est relativement épargnée pour l’instant. Comme il n’existe aucun vaccin contre ces virus, il est essentiel d’éviter tout contact avec les rongeurs et leurs déjections dans les zones à risque, mais aussi d’éviter de manipuler du bois ou de la terre.

Zoonoses majeures

Brucellose

Maladie transmise par le bétail domestique et
les produits laitiers crus provenant d’animaux infectés. Elle se manifeste par
de la fièvre
et d’éventuelles complications chroniques de
type articulaire
ou neurologique.

Salmonellose

Infection bactérienne qui provoque de la diarrhée, de la fièvre et des crampes abdominales suite à l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés.

Rage

Cette infection hautement contagieuse se transmet par morsure d’animaux carnivores. Mortelle dans la quasi-totalité des cas, elle cause chaque année 59 000 décès humains dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.