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Texte: Antoine Bal
Photo: Nobeatsofierce/Science Photo Library

Les phages, des virus guérisseurs

C’est la renaissance d’une thérapie oubliée. Sauvé d’une maladie infectieuse par des virus bactério-phages en 2016, le patient Tom Patterson est l’emblème du regain d’intérêt pour la phagothérapie aux États-Unis.

En France, une dizaine de patients en impasse thérapeutique ont déjà été soignés par des phages, importés, pour certains, de Lausanne. Mais qui sont ces nano-sauveurs, pour qui la microbiologie s’emballe à nouveau depuis les années 2000?

Les virus bactériophages ciblent des bactéries spécifiques au cours de leur cycle lytique. Le phage libère une enzyme appelée lysine qui se fixe sur la cellule bactérienne afin d’y injecter son ADN. D’autres phages se multiplient alors dans l’hôte, jusqu’à le faire exploser. Cette technique découverte au siècle dernier, supplantée par l’avènement des antibiotiques, n’a pas cessé d’être utilisée dans le Caucase, en Géorgie, où se rendent des patients infectés par des bactéries multirésistantes.

L’expérience clinique aux normes occidentales de cette thérapie de niche est encourageante, mais n’a pas encore permis de standardiser des protocoles. Elle s’envisage toutefois comme un traitement compassionnel sérieux en cas d’échec antibiotique. La phagothérapie est une technique personnalisée, qui nécessite pour chaque patient un travail de repérage, de tests, de classification et de purification des phages actifs avant de pouvoir être administrée sans risque. C’est le travail colossal auquel s’attelle Gregory Resch, chercheur en microbiologie fondamentale à l’UNIL, à partir de phages récupérés dans les eaux usées de Lausanne.

«Les phages fonctionnent mieux dans l’environnement proche du patient, où prolifèrent les bactéries pathogènes.»

D’où l’intérêt de son développement dans la région.

Le Prof. Pierre-Yves Bochud du Service des maladies infectieuses du CHUV mentionne les bons résultats de l’étude PhagoBurn sur des patients grands brûlés, mais aussi dans des cas d’infections ostéo-articulaires ou pulmonaires, telles que la mucoviscidose. «La lenteur du renouvellement des classes d’antibiotiques est très rarement un problème pour un hôpital comme le CHUV, mais cela peut être une menace à l’avenir», affirme le Prof. Bochud. Si la phagothérapie représente bien une alternative prometteuse, elle n’en est qu’au début de son développement.



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Directeur de recherches au Département de microbiologie fondamentale de l’Université de Lausanne, Gregory Resch travaille depuis plus de 15 ans sur le développement de nouveaux antimicrobiens.