Chronique
Texte: LAURIANNE AEBY

CAROLE CLAIR

CORESPONSABLE de l’Unité Santé et Genre Unisanté, Faculté de Biologie et Médecine, Lausanne « Et si le patient était une patiente »

La sensibilisation à la question de l’influence du genre en médecine est abordée, avec les étudiantes, par
la reprise de situations concrètes. On se demande alors ce qui aurait été différent si le patient avait été une patiente ou inversement. Aujourd’hui encore, on observe effectivement la puissance de l’ancrage des stéréotypes et leur impact sur les choix de prise en charge. Situation classique : lorsqu’une personne se présente aux urgences avec une dégradation de sa santé mentale, l’investigation sera davantage orientée vers la sphère professionnelle pour les hommes, tandis que pour les femmes le personnel médical aura tendance à davantage se concentrer sur la sphère familiale. Ces disparités ont pourtant un enjeu vital, le fait que le diagnostic de dépression est plus di∞cile à poser chez les hommes se reflète ensuite dans un taux de suicide quatre fois plus élevé que chez les femmes.

Ces biais se dessinent déjà au niveau de la construction du savoir. La recherche autour des maladies cardiovasculaires s’est particulièrement concentrée sur un profil type d’homme blanc pour ensuite extrapoler les connaissances aux autres groupes. Une méthode remise en question face à la surmortalité des femmes victimes d’infarctus, par exemple. Ce constat a généré une inversion de la tendance et les études en cardiologie sont les premières à avoir intégré davantage de femmes.

Pour tenter de cerner les différences entre les genres, il faut observer les variations biologiques telles que la répartition des graisses ou encore les hormones, mais il est aussi nécessaire de tenir compte du contexte social. Il est par exemple démontré que les femmes présentent plus de sensibilité à la douleur. Lors des expériences menées pour étudier ce phénomène, des hommes et des femmes ont été exposés à des stimuli douloureux. Effectivement, il est particulièrement complexe de savoir si l’écart repose sur un aspect biologique ou social et si les femmes ressentent effectivement plus fort la douleur ou s’autorisent plus facilement à dire « j’ai mal ». 

Heureusement, des changements s’opèrent. Au niveau européen, par exemple, il est exigé pour toute recherche de travailler avec un échantillon mixte intégrant des femmes, des hommes et des personnes non blanches, lorsque cela est pertinent. On observe aussi que l’augmentation de femmes médecins permet de s’intéresser à des maladies jusqu’alors négligées.



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PROFIL

Carole Clair est coresponsable de l’Unité santé et genre à Unisanté, à Lausanne, avec la sociologue Joëlle Schwarz depuis 2019. Elle mène actuellement plusieurs projets de recherche sur le sujet du genre et de son influence en santé et collabore avec les autres universités suisses pour l’amélioration de l’enseignement du genre en médecine.