Chronique
Texte: André Grimaldi
Photo: BSIP SA / Alamy Stock Photo

L’éducation thérapeutique du patient: vers une autre médecine?

Plus qu’une simple affection, une maladie chronique exige une implication importante du patient dans la durée. Celui-ci doit apprendre à gérer son traitement, savoir mesurer et interpréter des résultats, prendre ses médicaments quotidiennement et si nécessaire à en adapter les doses. Il devra peut-être modifier son alimentation et son activité physique. Pour ce faire, il a besoin de comprendre sa maladie et le mode d’action des différents traitements en connaissant leurs éventuels effets secondaires. Il doit aussi savoir recourir avec pertinence au système de santé, connaître ses droits, gérer sa maladie au travail, en famille et dans la vie sociale.

Face à l’augmentation du nombre de maladies chroniques – une personne sur trois en France est concernée (en Suisse: une personne sur quatre), avec en tête le diabète – je propose de repenser la prise en charge en développant l’éducation thérapeutique (ETP). Celle-ci comprend quatre éléments indissociables: une individualisation du traitement, un transfert de compétences des soignants au patient grâce à un apprentissage, une aide à la résilience et finalement une pratique de la décision médicale partagée.

L’idéal théorique de l’ETP consisterait à transformer le malade en son propre médecin. Pour cela, un défi reste à relever: l’annonce de la maladie n’est pas uniquement la mise en exergue d’un dysfonctionnement qu’il va falloir chercher à compenser.

L’annonce du diagnostic est aussi un moment de rupture. Rien ne sera jamais plus comme avant et désormais, vous serez différent des autres. Cette double rupture provoque un choc psychologique. Pour ne pas s’effondrer, pour éviter la dépression ou l’angoisse paralysante, pour défendre son bien-être émotionnel, le patient met en place des mécanismes de défense psychologiques: déni, refus de la maladie, pensée magique, clivage, hyperactivité, addiction, projections…

Dans le cas d’une maladie chronique, ces mécanismes de défense peuvent se chroniciser et devenir une seconde maladie. En somme, le malade est malade et il est malade d’être malade. Il ne sert alors à rien, contrairement à ce qu’imaginent de nombreux soignants, de lui rappeler les risques encourus. Il vaut mieux lui demander avec empathie pourquoi il suit mal son traitement alors qu’il connaît les risques.

Il faut revenir à la pratique de la «médecine narrative» permettant au malade d’exprimer son vécu – condition première pour qu’il puisse entrer dans un processus de résilience.

Des patients ayant connu et surmonté les mêmes difficultés peuvent être très utiles, jouant le rôle de «tuteurs de résilience». Mais ce rôle doit d’abord être celui des soignants. Ainsi s’établit un partenariat où chacun peut prendre la place de l’autre, tout en gardant la sienne dans un rapport, certes asymétrique, mais qui débouche sur une empathie réciproque, condition d’une réelle décision médicale partagée.



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André Grimaldi est professeur émérite de diabétologie aux Hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière, à Paris. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont L’Hôpital malade de la rentabilité (Éd. Fayard) ou Les Maladies chroniques. Vers la 3e médecine (Éd. Odile Jacob).