Health Valley
Texte: Charlotte Mermier
Photo: DR

Cannabis médical: en attente de libéralisation?

En Suisse, l’utilisation médicale du cannabis intéresse de plus en plus les entrepreneurs.

Antidouleur, antinauséeux, décontractant musculaire: la gamme des effets bénéfiques potentiels du cannabis est large. Elle semble ouvrir un boulevard aux entreprises pharmaceutiques pour le développement de médicaments à base de marijuana. Aux États-Unis, où la consommation de cannabis à but médical est légale dans une trentaine d’États, ce marché en pleine croissance représentait déjà plus de 3 milliards de francs en 2017. Si les législations varient d'un État à l'autre, en règle générale, les patients munis d'une prescription peuvent se fournir auprès des dispensaires en produits à base de cannabis. Ils ont aussi le droit de cultiver des plants à domicile. Les personnes atteintes du sida ou qui suivent un traitement contre le cancer soulignent ses effets, qui les soulagent des douleurs et des vomissements.

En Suisse, de nombreux entrepreneurs tentent d'extraire et de tester les quelque 90 substances actives de la plante pour produire des médicaments destinés au circuit médical ou paramédical. C'est le cas de la start-up Avalon, basée en Valais, qui prévoit de lever 500'000 francs afin d'obtenir une patente de recherche auprès de Swissmedic.

La société Pharmotech de Plan-les-Ouates (GE) étudie une propriété très intéressante du CBD, cette variante en vente libre, riche en cannabidiol, mais au taux de THC très bas. «Nous avons découvert que nos produits contenant du CBD sont de très puissants antibactériens, efficaces contre les bactéries multirésistantes», s’enthousiasme le fondateur, Rodin Aeschbach.

«Les résultats des tests précliniques que nous avons effectués avec le CHUV sont très prometteurs et nous allons bientôt passer aux tests cliniques.»

Pharmotech a déposé en 2017 un premier brevet international sur la base duquel huit produits antibactériens ou anti-inflammatoires vont être développés.

Si le marché s'annonce prometteur, le compendium suisse ne recense pour l'instant qu'un seul médicament à base de cannabis. Il s'agit du Sativex, qui est prescrit afin de réduire les spasmes musculaires chez les personnes atteintes de sclérose en plaques. D’autres huiles et teintures de cannabis peuvent également faire l’objet d’autorisations exceptionnelles pour certaines pathologies. Les démarches administratives pour avoir accès à ces médicaments sont cependant lourdes, et leur prix très élevé. Ainsi, de l'aveu même de la Confédération, de nombreux patients s’automédiquent, souvent par des voies illégales. C'est le cas de Grégory Schaeffer, président-fondateur de l’association Swiss Safe Access For Cannabinoids (SSAC). Les antidouleurs classiques entraînaient chez lui plus d’effets secondaires que de soulagement. La délivrance est venue du cannabis illégal qu'il consomme depuis quinze ans. «Nous préférons être hors la loi et vivants plutôt que dans la détresse.» D'autres adeptes se traitent pour une variété de pathologies, de l’endométriose aux douleurs musculaires.

Sur le plan scientifique, le scepticisme n'est pas entièrement levé.

«Le cannabis présente des preuves modérées mais existantes pour le traitement de la douleur chronique et de la spasticité. Il existe également des preuves limitées pour le traitement de la nausée ou des effets antivomitifs dans le cadre de chimiothérapies, entre autres. Mais la recherche en est encore à ses balbutiements», résume Marc Augsburger, responsable de l’unité de toxicologie et chimie forensiques du CHUV.

La plante contient des dizaines de substances actives agissant sur un système encore peu compris: plus de travaux sont nécessaires pour permettre à la fois aux produits légaux à base de CBD d'être reconnus comme produits thérapeutiques, et aux médicaments contenant du THC d'obtenir une licence légale.



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