Health Valley
Texte: Benjamin Keller
Photo: DR

La technologie au chevet des seniors

Les gérontechnologies visent à améliorer la vie des personnes âgées. Plusieurs entreprises romandes sont actives dans ce domaine.

Les Suisses vieillissent. Le nombre d’Helvètes âgés de 65 ans ou plus va presque doubler d’ici à 2060, à plus de 2,5 millions de personnes, et leur proportion dans la population atteindra 28,3%, contre 17,1% en 2010, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Le vieillissement démographique engendre des besoins dans les domaines des loisirs, des services à domicile ou encore des soins. Plusieurs entreprises romandes sont positionnées sur ce créneau.

Gait Up, spin-off de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et du CHUV, a conçu un algorithme capable d’identifier certaines pathologies en fonction des mouvements et de prévenir le risque de chute. Domosafety, une start-up également basée à l’EPFL, a mis sur le marché en 2015 un dispositif d’alerte à domicile pour personnes âgées qui prévient les proches ou les professionnels de la santé en cas d’incident ou de perte d’autonomie. Des capteurs installés dans le logement détectent tout changement anormal de comportement, tel qu’une absence de mouvement prolongée due à une chute.

Préserver l’autonomie

L’objectif de Domosafety est de permettre aux seniors de conserver leur autonomie tout en restant chez eux. Sous l’œil de Big Brother? «Le système n’est pas intrusif, répond Edouard Goupy, cofondateur et directeur. Il n’y a pas de caméra, pas de micro, pas d’observation directe. Le but n’est pas de dire si quelqu’un passe 20% de son temps dans la salle à manger. Les indicateurs sont très précis et ont été élaborés avec des infirmières et des médecins de soins à domicile. De plus, il n’y a aucun capteur sur la personne. Enfin, tous les réglages sont validés par l’utilisateur.»

Domosafety, qui emploie 14 personnes, pourrait prochainement collaborer avec le CHUV, dans le cadre de la plateforme d’évaluation en santé mobile de l’établissement, baptisée NeuroTech et initiée par le Prof. Philippe Ryvlin, chef du Département des neurosciences cliniques. «L’idée est de se servir des dispositifs de Domosafety pour générer de nombreuses données cliniques sur les patients atteints de maladies neurologiques, puis les stocker et les analyser, explique Stanislas Veuthey, responsable opérationnel du projet au CHUV. On pourrait imaginer pouvoir prédire une crise d’épilepsie quelques heures avant qu’elle ne survienne et envoyer une alerte au patient afin qu’il prenne les traitements adéquats.»

A Genève, PersonalCare Systems développe un système similaire qui devrait être commercialisé d’ici à début 2016. La start-up, fondée en 2012, a reçu le prix Graines de Boss au mois de mai dernier.

Les besoins du terrain

Malgré leur profusion, les technologies mises au point ne répondent pas forcément aux besoins du troisième âge, indique Henk Verloo, professeur à l’Institut et Haute école de la santé La Source à Lausanne. «Il y a un potentiel énorme, tout le monde en est convaincu, y compris les personnes âgées, mais il y a un écart entre ce que les ingénieurs conçoivent et les attentes des usagers. Beaucoup sont réticents à l’idée de porter des systèmes d’alarme car ils ne veulent pas que ce soit visible. L’installation de capteurs à domicile est aussi difficilement acceptée.»

Henk Verloo participe à une étude pour identifier la perception et l’utilité des technologies innovantes pour seniors à leur domicile, à laquelle collaborent les hautes écoles de santé genevoise, vaudoise et La Source ainsi que les services de soins à domicile des cantons de Genève et Vaud. La recherche ne se limite pas aux personnes âgées et à leurs proches, mais s’intéresse aussi aux perceptions des professionnels de la santé et se questionne sur la vision qu’ont les ingénieurs, les industriels et les chercheurs de ces technologies. Il y a notamment des aspects éthiques entre soignants et soignés à prendre en compte. «Avec les dispositifs d’alerte et de monitoring, les infirmiers ont l’impression de surveiller les patients. C’est une réalité du terrain.»



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