Chronique
Texte: Jean-Christophe Piot
Photo: D.R.

Un lien fondamental

Des PME destinées à faire le lien entre le monde académique et les industries pharmaceutiques apparaissent dans le tissu romand. Objectif: développer les pistes de recherche à un stade susceptible d’intéresser les géants de la santé.

Aux côtés des nombreux instituts de recherche, cliniques et hôpitaux, de nouveaux acteurs viennent renforcer le secteur du vivant en Suisse romande: ils s’appellent Lascco, Geneva Biotech Center ou Alpine Institute for Drug Discovery et affichent une ambition commune: faire le lien entre les universités de Suisse romande et les sociétés pharmaceutiques. Le chaînon manquant jusqu’à présent? Oui, à en croire Laurent Galibert, fondateur en 2013 de l’Alpine Institute for Drug Discovery basé à Lausanne: «Les géants du secteur ont tendance à réduire leurs investissements dans la recherche fondamentale», constate cet immunologiste passé par plusieurs sociétés pharmaceutiques. En lien avec les bureaux de transfert technologique des universités, ces PME gèrent et financent le développement des molécules jusqu’aux premières études cliniques. En cas de percée prometteuse, les grands groupes prennent le relais pour assurer une production à l’échelle industrielle.

Dans l’intérêt du patient

Inspiré d’initiatives anglo-saxonnes comme celle du Medical Research Council Technology, un groupe britannique à l’origine de l’apparition de 12 nouveaux médicaments, «cet écosystème d’un nouveau genre profite à tous», estime Laurent Galibert. Y compris aux universités qui conservent la paternité de leurs molécules et peuvent espérer des retombées financières. «Si un produit basé sur leurs découvertes initiales est commercialisé, elles touchent un pourcentage des ventes», renchérit la cofondatrice de la société genevoise de Lascco, Samareh Azeredo da Silveira Lajaunia. En confiant à des sociétés comme la sienne le soin d’assumer ces phases de développement, les industriels réduisent leurs dépenses tout en multipliant les chances d’identifier des pistes prometteuses dans divers domaines tels que la cancérologie ou l’immunothérapie… Donc de répondre aux besoins aussi bien des patients que des soignants.

Un modèle économique innovant

L’activité de ces nouvelles structures est aussi un pari économique, compte tenu des délais entre les premières découvertes et une éventuelle mise sur le marché: de quatre à quinze ans selon les cas. Logé au cœur de l’Innovation Park de l’EPFL, l’Alpine Institute for Drug Discovery est ainsi né grâce à ses fonds propres, complétés par une aide financière de la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI) et de la Fondation pour l’innovation technologique (FIT). La PME se focalise principalement sur l’oncologie et les maladies auto-immunes et inflammatoires.

Inventives jusque dans leur financement, ces sociétés cherchent à maximiser leurs chances de réussite: «Nous prenons contact assez tôt avec nos client potentiels, explique Samareh Azeredo da Silveira Lajaunia. C’est une manière de nous assurer que nos premières perspectives les intéressent.» Une stratégie qui a permis à Lascco de conclure plusieurs accords avec différents groupes du secteur de la santé, dont l’un avec l’américain Abbott en 2012.

Y a-t-il de la place pour tous? «Les pistes de recherche sont variées et les universités multiplient les découvertes intéressantes en Suisse et chez ses voisins», juge la jeune femme qui rappelle qu’elle et ses concurrents ne sont pas en mesure de mener plus de quelques projets en parallèle. Actuellement, Lascco travaille par exemple sur le développement de nouveaux antibiotiques, pour lutter contre la résistance de certaines bactéries.

De quoi permettre l’arrivée de nouveaux acteurs sans rendre la concurrence trop vive pour autant: «Le succès de ce modèle aux Etats-Unis laisse penser que ce type d’échelons intermédiaires a de l’avenir.»



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