Interview
Texte: Erik Freudenreich
Photo: Laurianne Aeby (SAM)

«Une meilleure compréhension des mécanismes des maladies est nécessaire pour développer de nouveaux traitements»

Philippe Conus estime qu’une collaboration entre les différentes branches de la psychiatrie est essentielle pour avancer dans la connaissance et la prise en charge des troubles psychiques.

La compréhension des maladies psychiques s'améliore d'année en année. La recherche fondamentale est de plus en plus souvent associée à l'étude de groupes de patients – une approche dite translationnelle. Si leurs résultats ne sont pas encore applicables immédiatement, de nouvelles pratiques comme la détection précoce améliorent la vie des personnes concernées.

Qu’est-ce qui fait la particularité de la recherche en psychiatrie aujourd’hui?

Nous sommes dans une phase où les outils technologiques nous permettent de voir des choses invisibles jusqu’ici, notamment au niveau neurobiologique. Pour autant, même si ces avancées suscitent l’enthousiasme, il ne faut pas oublier que les patients ont chacun une façon propre de percevoir le monde. Ils peuvent avoir besoin d’une médication pour atténuer les symptômes, mais aussi d’une aide psychologique pour aborder les choses de manière différente. C’est pourquoi une approche éclectique est importante. Elle doit être basée sur une alliance entre la psychothérapie, la neurobiologie et la psychiatrie de base, afin de permettre de tirer les bénéfices des avancées dans chacun de ces domaines. Cette évolution a été concrétisée par la création de postes de cliniciens chercheurs, dont le cahier des charges se divise entre la recherche fondamentale et le suivi des patients.

Qu’en est-il du développement de nouveaux médicaments?

Le problème, c’est que nous ne connaissons pas les mécanismes qui sont à la base des maladies, et que tous les patients ne réagissent pas aux traitements dont nous disposons. Cette réponse variable est probablement liée au fait que nous diagnostiquons des syndromes et groupons des maladies qui, malgré une surface commune, peuvent être liées à des mécanismes complètement différents. Une meilleure compréhension de ces mécanismes est nécessaire pour développer de nouveaux traitements médicamenteux.

Un effort important porte sur l’intervention précoce?

Oui, elle concerne désormais l’ensemble des troubles psychiques. Plus seulement la psychose. À ce jour, nous ne pouvons pas empêcher complètement le développement de ces maladies, mais nous pouvons soit en retarder l’émergence, soit en atténuer l’intensité et prévenir le développement des complications secondaires, qui sont celles qui engendrent le plus de problèmes dans la vie du patient.



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Philippe Conus est chef du Service de psychiatrie générale et adjoint à la direction médicale du Département de psychiatrie du CHUV en charge de la recherche. En 2018, il a été élu vice-président pour l'Europe de I'International Early Psychosis Association - Early Intervention in Mental Health, société scientifique internationale qui vise à promouvoir l'intervention précoce en psychiatrie.