Editorial
Texte: Gary Drechou
Photo: Heidi Diaz - Service d'appui multimédia (SAM)

La main à l'œuvre

«Contrairement à ce que les gens croient, la chirurgie n’est pas une affaire de mains. L’opération est un geste intellectuel. J’ai la chance d’avoir un peu les yeux au bout des doigts et je ne m’occupe jamais de mes mains.»

Ces quelques mots de Pierre-François Leyvraz, glissés en marge d’une interview réalisée à la veille de quitter ses fonctions de directeur général du CHUV et de «passer la main» à son successeur, Philippe Eckert, traduisent la concentration du chirurgien. Premier médecin à avoir tenu la barre de l’hôpital universitaire et dirigé ses quelque 12’000 collaborateurs, le Prof. Leyvraz a accepté de revenir sur ses 11 années en tant que «patron», qui ont vu le CHUV se développer dans tous les domaines, au point d’être cité plus tôt cette année par le magazine Newsweek dans le top 10 des meilleurs hôpitaux au monde.

Pourtant, avec ma collègue Rachel Perret, c’est bien l’homme que nous avons rencontré. Le même que racontent deux grands témoins, Dominique Arlettaz et Benoît Dubuis, dans les pages «Cursus» de ce numéro un peu particulier.

Mais revenons-en aux mains. Sans être chirurgien, saviez-vous que pour saisir ce magazine en salle d’attente ou en librairie, votre main effectuera un mouvement dans lequel se coordonnent pas moins de 36 muscles et 27 os articulés? Indispensable au quotidien et omniprésent dans notre langue – plus de 80 expressions françaises tournent autour de la main! –, cet organe est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.

Pour les 3 millions de personnes dans le monde amputées des membres supérieurs, qui éprouvent souvent des douleurs en plus de difficultés à effectuer les gestes du quotidien, l’espoir pourrait venir du développement de nouvelles prothèses guidées par le cerveau. La recherche est en pleine effervescence dans ce domaine, comme l’expliquent les scientifiques interrogés par Yann Bernadinelli dans le «Focus» de cette édition. Mais reconnaître une prothèse comme une partie de son corps reste une affaire délicate: il aura par exemple fallu cinquante ans à Marco Zambelli, qui a perdu son avant-bras droit à l’âge de 15 ans, pour retrouver une «sensation tactile» sur le membre fantôme et être capable d’«ouvrir avec précision un étui avec fermeture éclair».

La main «bionique», que l’on pourrait demander, tendre ou serrer presque comme n’importe quelle autre, est-elle un scénario de science-fiction, une «vue de l’esprit» en mouvement, une réalité palpable ou un peu des trois?



Partagez: