Editorial
Texte: Gary Drechou
Photo: Heidi Diaz - Service d'appui multimédia (SAM)

Aînés soient-ils

«Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.» Mais qu’ils connaîtront peut-être.

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«Le territoire est une source de guérison», interview de Piita Irniq, ancien commissaire et sous-ministre de la culture, de la langue, des aînés et de la jeunesse du Nunavut

Près d’un garçon sur cinq et près d’une fille sur quatre nés en 2017 fêteront leurs 100 ans, selon l’Office fédéral de la statistique. Mieux vaut donc l’admettre dès maintenant: nous avons un pied dans l’âge canonique.

Là où nous envisagions jusqu’à présent l’existence en trois temps – jeunesse, vie active et vieillesse – un quatrième se profile, qui remet en question nos modèles. C’est l’objet du Focus de ce numéro et de plusieurs «ricochets» en chroniques : Benoît Dubuis sur les opportunités d’innover, Danielle Bouchard sur la formation des professionnels de la santé, ou encore Antonio Racciatti sur les vertus de l’ancienneté.

L’avenir appartient-il aux plus de 80 ans, nonagénaires, centenaires et «super-centenaires»? Selon Statistique Vaud, d’ici à 2040, le nombre de 65 ans et plus dans le canton va s’accroître de près de 75%, passant de 125’800 à 218’000 personnes. Parmi eux, les 80 ans et plus vont quasi doubler, passant de 36’000 personnes à 70’000 per-sonnes. Pour le CHUV, l’adaptation au vieillissement de la population constitue d’ailleurs le premier enjeu stratégique des années à venir. En langue institutionnelle, il s’agit d’«intégrer de manière explicite la prévention du déclin fonctionnel dans la clinique, la formation et la recherche», tout en rendant l’hôpital plus «senior-friendly».

Au Canada, d’où je viens, on parle peu de personnes âgées, mais volontiers d’«aînés». Ce n’est qu’un choix de mot, me direz-vous, mais ça change la sémantique.

Avec des aînés, voire des super-aînés, on est déjà moins dans l’addition des années. L’accent porte sur la valeur de ces années, qui invite au lien social – comme une entorse à l’isolement, meilleur ami du déclin.

Dans le même esprit, lorsqu’ils ont créé leur gouvernement du Nunavut, en 1999, les Inuits de l’Arctique canadien ont baptisé l’un de leurs ministères emblématiques «Ministère de la culture, de la langue, des aînés et de la jeunesse». La volonté, pour ce peuple millénaire qui se projetait dans l’avenir, était que les aînés et la jeunesse soient «indissociables».

Lorsqu’on évoque les défis de la longévité, ne s’agit-il pas aussi d’inventer des lendemains plus liants? Si nous devons vieillir ensemble, dans ce «ménage» à quatre générations, il faudra bien «que l’on s’aime et qu’on aime la vie», comme l’a chanté Aznavour jusqu’à ses 94 printemps.



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Gary Drechou a rejoint l’équipe du Service de communication du CHUV voilà deux ans. Sa plume et son sens de l’éditorial en font un excellent observateur des problématiques liées à la médecine. C’est lui qui conduit le magazine In Vivo, en collaboration avec l’agence LargeNetwork. Il signe également les éditoriaux, à l’invitation de Béatrice Schaad, cheffe du Service de communication du CHUV.