Dossier
Texte: Yann Bernardinelli

Faciliter l’ascension des femmes médecins

La présence féminine aux postes clés de la recherche médicale reste anecdotique. Une réforme de l’ensemble du système est nécessaire.

Les femmes composent près de 69% des effectifs du CHUV. Ce chiffre monte même à 80% pour les professions médicales et soignantes. Cependant, le taux
de femmes à la tête de services hospitaliers ne dépasse pas 15%, selon les statistiques de 2020. Une situation partagée par de nombreuses entreprises privées et publiques, y compris les autres hôpitaux universitaires.

Évolution et inertie

Malgré les mesures de sensibilisation aux questions d’égalité, la situation évolue très lentement. Cette inertie s’explique notamment par les principes de l’évolution hiérarchique dans les milieux médicaux : les postes à responsabilités sont en effet liés à une activité de recherche qui impose un rythme de travail intense et moins structuré que l’activité clinique. « Il faut atteindre le meilleur niveau possible dans un intervalle de temps de carrière court, une exigence pas toujours compatible avec la construction d’une vie de famille », déclare Marine Jequier Gygax, médecin associée et maître d’enseignement et de recherche clinique au Service des troubles du spectre de l’autisme du Département de psychiatrie du CHUV.

Conjuguer travail clinique, parcours académique et vie privée revient à cumuler trois postes à plein temps. « La recherche passe alors au second plan, le soir et le week-end, pour prioriser nos patient-e-s », ajoute Antje Horsch, professeure associée à l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins à l’UNIL et psychologue au Département femme-mère-enfant du CHUV.

Sans recherche, pas de poste à responsabilités et sans poste à responsabilités, l’accès à l’enseignement est également rendu difficile. De leurs études à leur premier poste en hôpital universitaire, les femmes se retrouvent donc trop souvent dans un environnement masculin aux codes bien définis, avec personne à qui s’identifier. « C’est l’un des freins directement liés à la représentation de la femme au travail, regrette Marine Jequier Gygax. Les jeunes femmes ont tendance à se positionner en fonction des codes en place plutôt que par leurs compétences et envies. Alors qu’elles devraient pouvoir se représenter comme des leaders ! »

C’est l’ensemble des horaires de travail, des cahiers des charges et des conditions d’obtention des postes à responsabilités qui devrait par conséquent être revu. « Les femmes ne sont pas moins intéressées que les hommes,
il faut augmenter l’attractivité des postes et les rendre compatibles avec les autres rôles de la vie », estime Antje Horsch. L’hôpital a tout à y gagner, car « les institutions et les entreprises fonctionnent mieux avec des équipes diversifiées, ajoute-t-elle. Les études le montrent. »

Une force d’influence au féminin

Au même titre que le télétravail, les postes de codirection figurent parmi les pistes à creuser, car ils permettent de travailler à temps partiel. « Il faut aussi créer des réseaux de femmes cadres pour les informer sur les mécanismes hiérarchiques, dit Marine Jequier Gygax. Un tel réseautage doit être intégré dans la structure, et amener le dialogue au sein des directions, proposer des idées et faire force d’influence. »

Plusieurs femmes allient aujourd’hui activité clinique et de recherche au CHUV. Dans les pages qui suivent, 12 d’entre elles témoignent des freins rencontrés, mais aussi de quelques évolutions encourageantes qu’elles observent.



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