Tandem
Texte: William Türler
Photo: Eric Déroze

Aude Fauvel & Patrick Bodenmann

L'historienne et le praticien président la commission «Dialogue Santé et Société».

A priori, sur le plan professionnel, difficile de voir ce qui peut rapprocher le patricien Patrick Bodenmann et l’historienne Aude Fauvel, si ce n’est une même exigence intellectuelle. Pourtant, depuis fin 2016, tous deux président ensemble la commission «Dialogue Santé et Société», rattachée au Département universitaire de médecine et de santé communautaires du CHUV. Cette commission a pour objectif d’organiser des événements permettant à des représentants de la société au sens large et à des professionnels de la santé de se rencontrer pour échanger de façon approfondie. On y encourage un dialogue nourri, sans raccourcis.

«Dans l’arène publique, les propos des spécialistes sont souvent caricaturés, voire instrumentalisés», souligne Patrick Bodenmann, médecin-adjoint à la Policlinique médicale universitaire (PMU) de Lausanne et titulaire de la Chaire de médecine des populations vulnérables en Suisse à l’UNIL. «On trouve peu d’espaces où peuvent s’exprimer la nuance et la multiplicité des points de vue sur les questions qui touchent au corps ou au soin, relève pour sa part Aude Fauvel, spécialiste des humanités en médecine et Maître d’enseignement et de recherche à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. Il existe cependant une forte demande en ce sens, tant chez les professionnels que dans la population. C’est ce besoin que nous souhaitons modestement contribuer à combler.»

Leur travail en duo permet de montrer, très concrètement, à quel point les questions de santé peuvent bénéficier de ces éclairages et regards pluriels: celui du médecin, mais aussi des autres professions de soin, des spécialistes des sciences sociales, des patients ou des populations.

«Patrick me force à voir ce qui, dans le passé, peut éclairer le présent», indique Aude Fauvel.

«Durant notre formation d’historien, on nous apprend à nous méfier de la tentation de l’anachronisme. Je découvre avec Patrick que l’anachronisme n’est en fait pas forcément un péché capital. Au contraire: si l’histoire médicale peut être réactualisée pour servir le présent, c’est plutôt une vertu.»

De son côté, en tant que spécialiste des soins destinés aux populations vulnérables, Patrick Bodenmann se montre particulièrement attentif aux dynamiques socioculturelles qui influencent les variables de santé:

«Travailler avec Aude me permet de mieux prendre la mesure des pesanteurs historiques. Nos patients sont souvent prisonniers de dynamiques héritées du passé. Il faut en avoir conscience pour pouvoir mieux les soigner.»

On ne peut pas uniquement se satisfaire «d’experts» ou de contenus univoques, insistent-ils tous deux. Les défis posés par les évolutions de la médecine doivent impérativement être appréhendés dans leur complexité./



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