Tandem
Texte: Émilie Veillon
Photo: Eric Déroze

L’ornithologue Alexandre Roulin et le biochimiste Stefan Kunz

Avec leur regard perçant et leur hululement qui retentit dans la campagne, au clair de lune, les chouettes intriguent depuis la nuit des temps. Espèces protégées pouvant donc être étudiées uniquement à l’état sauvage, elles sont méconnues des milieux scientifiques... A l’exception de l’ornithologue passionné Alexandre Roulin qui concentre depuis plus d’une vingtaine d’années ses recherches sur ce rapace nocturne, par le biais de 250 nichoirs installés dans les granges et les hangars à tabac des vallées de la Broye et de l’Orbe.

Professeur de biologie évolutive à l’Université de Lausanne (UNIL), son travail de terrain sur les chouettes effraies cible un constat en particulier: le fait qu’elles n’aient pas la même couleur. Leur plumage passe du blanc au roux foncé, plus ou moins tacheté, au sein d’une même population. Plus curieux encore, ces variations du taux de mélanine sont associées à certains comportements, tels que l’appétit, la sexualité et la résistance au stress. «Ces nuances seraient causées par une hormone qui stimule la synthèse de la mélanine, la mélanocortine. Plus son niveau est élevé chez une chouette foncée, plus elle sera agressive, résistante aux parasites et au stress», détaille Alexandre Roulin.

Pressentant que cette corrélation entre facteurs moléculaires et comportements physiologiques pourrait aussi s’appliquer à l’organisme humain, notamment dans le contexte des maladies, il convie les différents chercheurs de la Faculté de biologie et médecine de Lausanne (FBM) pour leur exposer les fruits de ses recherches l’an dernier. Face à lui, Stefan Kunz, biochimiste et professeur associé en virologie fondamentale à l’Institut de microbiologie du CHUV (IMUL), comprend qu’une collaboration scientifique entre leurs deux disciplines s’impose.

Depuis six mois, une équipe composée notamment par Antonella Pasquato, spécialiste des protéases (des enzymes qui dégradent les protéines) au sein de l’IMUL, et la postdoctorante Karin Löw au Département d’écologie et évolution, se réunit donc une fois par mois pour échanger sur l’actualité des deux domaines de recherche et créer une méthodologie commune. But de l’opération: cibler ces systèmes de gènes et tenter de les moduler afin d’influer sur certaines maladies métaboliques, comme l’obésité. «Il est rare que des chercheurs de laboratoires et des biologistes de terrain travaillent ensemble et tentent de développer un langage commun.

Or avoir accès à une telle base de données sur des animaux sauvages, qui présentent une grande diversité génétique, est une opportunité extraordinaire pour des microbiologistes qui n’ont en général accès qu’à des souris de laboratoire», se réjouit Stefan Kunz. Et le biologiste de rappeler qu’une telle collaboration est rendue possible grâce au fait que l’UNIL, et c’est la seule en Suisse, réunisse la biologie et la médecine au sein d’une même faculté.



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