Chronique
Texte: Rachel Perret
Photo: Gilles Weber / Service de communication et de création audiovisuelle du CHUV

Quand l'éthique vient au secours de la clinique

L’Unité d’éthique clinique du CHUV propose une aide à la décision lorsque des conflits de valeurs sont à l’œuvre et compliquent les prises en charge.

Éviter toute décision arbitraire, c’est le souci permanent de Nicolas Vulliemoz, responsable de la Médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique du CHUV. «La législation qui encadre la procréation médicalement assistée en Suisse pose un cadre juridique à notre activité qui se base sur le bien-être de l’enfant, ses parents devant être à même de l’élever jusqu’à sa majorité. Qui sommes-nous, cependant, pour juger de la capacité d’un couple à élever un enfant? Si nous disposons de critères objectifs, de nombreuses zones grises demeurent. De même, la nouvelle loi sur le diagnostic préimplantatoire qui permet la sélection des embryons en cas de maladie grave nous pose beaucoup de nouvelles questions dans son application clinique. Par exemple, la notion même de maladie grave est tout sauf claire», dit-il.

Depuis sa création, l’unité de fertilité travaille avec les éthiciens et les juristes des Affaires juridiques, au sein d’un colloque dédié qui se réunit tous les mois. «L’éthique préventive est le modèle idéal», constate le Prof. Ralf Jox, responsable de l’Unité d’éthique clinique. «Intervenir avant qu’une problématique ne se développe permet en général d’éviter des conflits.»

Sébastien Kissling, médecin cadre en néphrologie, en a fait l’expérience. Il évoque l’histoire d’une patiente sous traitement d’hémodialyse ayant subi un arrêt cardiaque qui l’a menée en soins intensifs, où elle a été réanimée et s’est vu poser une assistance cardiaque par pompe. «En raison de l’urgence de la prise en charge, la patiente n’avait pas pu se positionner face à ces traitements. S’ils lui sauvaient la vie, ils allaient aussi la rendre encore plus dépendante de soins qu’elle supportait de moins en moins. En dialyse, elle nous disait souhaiter mourir», explique-t-il. Cependant, la patiente souffrait d’une dépression. Était-elle dès lors en train d’exprimer sa volonté ou un symptôme?

«La famille s’appuyait sur le diagnostic de dépression pour aller à l’encontre de la volonté exprimée par leur proche. L’équipe de psychiatrie émettait, elle, un pronostic défavorable quant au potentiel d’amélioration de cette dépression. Nous étions dans une impasse», reconnaît Sébastien Kissling. Alors que la communication se compliquait au fur et à mesure que l’état de santé de la patiente se dégradait, l’intervention de l’Unité d’éthique est venue débloquer et apaiser la situation.

Trouver le meilleur intérêt du patient

Effectuer un geste chirurgical radical sur un enfant pour le prémunir d’une maladie grave et assumer que ce geste aura de lourdes conséquences sur sa future vie d’adulte. Voilà, en résumé, la situation dans laquelle s’est retrouvée une équipe du CHUV et la médecin cadre Kanetee Busiah, responsable en pédiatrie de la consultation diabéto-endocrinologie.

«L’opération que nous préconisions constituait à la fois une atteinte à l’intégrité du corps de l’enfant et l’assurance de le préserver du développement d’une tumeur qui engagerait son pronostic vital. Nous pouvions attendre un peu, mais pas trop, pas assez en tout cas pour que l’enfant soit en âge de décider pour lui-même. Les parents étaient dans l’inquiétude: faisaient-ils vraiment ce qu’il y avait de mieux pour leur enfant? De notre côté, nous pensions être dans le juste, mais nous ne voulions pas rester campés sur nos certitudes.»

Contactée, l’Unité d’éthique clinique a rencontré l’équipe et la famille, puis produit un rapport de délibération éthique, joint au dossier médical. «Notre travail consiste à construire avec les équipes soignantes un argumentaire éthique qui soutienne l’orientation du projet de soin dans le meilleur intérêt du patient», détaille Marion Fischer, éthicienne.

«Nous venons distinguer chaque problème et chaque zone d’ombre, pour que les professionnels, les patients ou leurs proches puissent passer d’une intuition, d’un sentiment ou d’une opinion, à une prise de décision éclairée.»

Kanetee Busiah ajoute: «Les parents ont eu un temps de parole et de réflexion, qui va leur permettre, plus tard, d’être en mesure d’expliquer leur décision à leur enfant. De notre côté, nous avions besoin d’une confirmation que nous étions sur le bon chemin et que nous avions fait les choses comme il le fallait. Nous voulions nous assurer que notre décision médicale était juste également sur le plan éthique et, au fond, ne pas porter seuls une décision lourde de conséquences.»



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Marion Fischer de l’Unité d’éthique clinique aide les soignants et les patients à prendre les bonnes décisions en vue d’un traitement médical.