Innovation
Texte: Comm.
Photo: Tim Vernon, LTH NHS TRUST / Science photo library

Remarcher après une paralysie: vers des essais cliniques sur des patients

Des chercheurs de l’EPFL sont parvenus à faire remarcher un rat complètement paralysé en stimulant électriquement la partie sectionnée de la moelle épinière. Ils ont pu contrôler en temps réel la manière dont le rat se déplace et la hauteur à laquelle il lève ses membres. Un nouveau laboratoire créé au CHUV va tester cette technologie sur des patients humains dès l'été prochain en utilisant une toute nouvelle plateforme d’analyse de la marche. Ces essais cliniques s’inscrivent dans le cadre du projet européen NEUWalk.

Des scientifiques de l'EPFL ont réussi à contrôler, en temps réel, les membres d'un rat complètement paralysé et à le faire marcher. Les résultats de leur recherche sont publiés aujourd'hui dans la revue Science Translational Medicine.

S'appuyant sur des travaux antérieurs menés chez le rat, cette nouvelle percée s’inscrit dans un projet de traitement plus général, qui pourrait un jour être mis en oeuvre dans les programmes de réadaptation suivis par les personnes atteintes de lésions de la moelle épinière. Des essais cliniques sont en cours d'élaboration dans le cadre du projet européen NEUWalk. Ils pourraient commencer dès l'été prochain en utilisant la nouvelle plateforme d’analyse de la marche récemment installée au CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois).

"En réactivant et stimulant la moelle épinière sectionnée, nous parvenons à contrôler les membres postérieurs du rat en temps réel et à lui redonner ainsi une marche naturelle", explique Grégoire Courtine, neuroscientifique à l’EPFL.

Le corps a besoin d’électricité

Pour fonctionner, le corps humain a besoin d'électricité. Lorsqu’il émet une information, le cerveau humain en utilise par exemple environ 30 watts. Quand les circuits du système nerveux sont endommagés, la transmission des signaux électriques est réduite, conduisant souvent à des troubles neurologiques dévastateurs, telle que la paralysie.

On sait que la stimulation électrique du système nerveux peut soulager ces troubles neurologiques à de nombreux niveaux. Appliquée aux noyaux cérébrales profonds, elle permet par exemple de traiter les tremblements associés à la maladie de Parkinson. Les signaux électriques peuvent également agir sur les nerfs et redonner le sens du toucher à un membre amputé. La stimulation électrique de la moelle épinière peut aussi restaurer le contrôle des mouvements. Mais peut-elle aller jusqu’à aider un paraplégique à remarcher naturellement? La réponse est oui, du moins chez les rats.

"En réactivant et stimulant la moelle épinière sectionnée, nous parvenons à contrôler les membres postérieurs du rat en temps réel et à lui redonner ainsi une marche naturelle, explique Grégoire Courtine, neuroscientifique à l’EPFL. Nous pouvons contrôler la manière dont il se déplace et la hauteur à laquelle il lève ses pattes."

Les scientifiques ont étudié des rats dont la moelle épinière a été complètement sectionnée au milieu du dos, empêchant ainsi totalement la transmission des signaux en provenance du cerveau vers la moelle épinière qui contrôle les muscles des jambes. Grâce à l’implantation d’électrodes souples le long de la moelle épinière, puis à l’administration d’un courant électrique, les circuits nerveux qui contrôlent la marche sont réactivés.

La vidéo de l'EPFL:

De plus, les expériences ont permis d’établir une relation directe entre les paramètres de stimulation électrique et le déplacement des membres du rat. Les chercheurs ont utilisé cette découverte pour développer des algorithmes qui ajustent les paramètres de stimulation électrique en fonction des déplacements du rat. Il sont parvenus à contrôler la foulée du rongeur pour lui permette de passer des obstacles qui se présentent devant lui, tels que des barrières ou des escaliers.

«Cette recherche démontre que la compréhension du fonctionnement du système nerveux central permet de développeer des technologies neuroprosthétiques plus efficaces, explique Silvestro Micera, neuroingénieur et co-auteur de l’étude. Nous pensons que cette technologie pourrait un jour améliorer de manière significative la qualité de vie des personnes souffrant de troubles neurologiques."

A plus long terme, Courtine et Micera avec leurs collègues du Centre de neuroprothèses de l'EPFL étudient la possibilité de décoder les signaux contrôlant les mouvements des jambes directement depuis le cerveau, et d’utiliser cette information pour stimuler la moelle épinière.

Des équipements de pointe

La stimulation électrique décrite dans cette étude sera testée chez des patients atteints de lésions incomplètes de la moelle épinière. Ces essais cliniques, qui devraient commencer dès l'été prochain, seront réalisés grâce à une nouvelle plateforme d’analyse de la marche qui associe des technologies de réhabilitation robotique, et des systèmes innovants pour ajuster les paramètres de stimulation électrique de la moelle épinière en temps réel..

Conçue et fabriqué par l'équipe de Grégoire Courtine, cette infrastructure comprend notamment un système de soutien robotique pour permettre la réhabilitation locomotrice en conditions naturelles. A cela s’ajoutent des caméras infrarouges qui détectent des marqueurs réfléchissants qui sont placés sur le corps du patient pour analyser ces déplacements, et des capteurs pour enregistrer l’activité des muscles. Ces informations sont synchronisées et intégrées en temps réel afin d’ajuster l’assistance robotique et les paramètres de stimulation électrique de la moelle épinière aux besoins spécifiques du patient.

La plateforme de marche se trouve dans une salle de 100 m2 localisée au sein du CHUV, lequel dispose déjà d’un centre de réadaptation dédié à la recherche translationnelle, notamment pour les pathologies orthopédiques et neurologiques.

"Cette plateforme n'est pas un centre de réhabilitation, explique Grégoire Courtine. Il s’agit d’un laboratoire de recherche où nous serons en mesure d'étudier et de développer de nouvelles thérapies en utilisant des technologies innovantes en étroite collaboration avec les experts médicaux du CHUV, tels que des physiothérapeutes, des neurologues et des neurochirurgiens."



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