Décryptage
Texte: Patricia Michaud

Jeune femme active, 40 ans, ménopausée

L’insuffisance ovarienne prématurée touche 1% des femmes de moins de 40 ans. Si elle n’est pas traitée, cette pathologie accroît fortement le risque de développer de l’ostéoporose ou certaines maladies cardiovasculaires. Sans oublier ses conséquences néfastes sur la fertilité.

Depuis deux ans environ, Anne* est atteinte de bouffées de chaleur soudaines. La nuit, il n’est pas rare qu’elle se réveille en sueur. Quant à ses règles, elle n’en a parfois pas durant plusieurs mois. Si cette ingénieure en sciences du vivant avait 51 ans, soit l’âge moyen de la ménopause en Suisse, ses symptômes n’étonneraient personne. Or, Anne vient tout juste de sortir de la trentaine.

On estime que 1% des femmes âgées de moins de 40 ans sont touchées par la ménopause précoce. « Les spécialistes l’appellent plutôt insuffisance ovarienne prématurée, ou IOP », précise Nicolas Vulliemoz, responsable de la Médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique au CHUV. Avant 30 ans, l’IOP concerne environ une femme sur 1000 et avant 20 ans, une sur 10'000. Ce phénomène est défini cliniquement principalement par un arrêt des menstruations de plus de quatre mois.

« Le cas classique que nous observons en consultation, c’est la patiente qui, après avoir arrêté la pilule contraceptive, par exemple parce qu’elle souhaite tomber enceinte, souffre de bouffées de chaleur et n’a que très sporadiquement, voire plus du tout, ses règles », poursuit le médecin. Anne n'a, pour sa part, jamais pris la pilule. « J’ai eu toute ma vie des cycles menstruels très irréguliers ; je ne me suis donc inquiétée que lorsque j’ai été prise de coups de chaud et que mes règles ont totalement disparu durant plusieurs mois. »

Grossesses naturelles rares

Pour les jeunes femmes qui y sont confrontées, l’insuffisance ovarienne prématurée a deux conséquences principales. « La première concerne logiquement leur fertilité », souligne Nicolas Vulliemoz. On estime que seules 3 à 5% des patientes atteintes d’IOP tombent enceintes naturellement. Le deuxième problème engendré par la ménopause précoce, c’est celle du déficit d’œstrogènes. « Ce manque augmente le risque de développer de l’ostéoporose ou certaines maladies cardiovasculaires. »

La prise en charge a essentiellement pour but d’éviter ces complications. Elle passe par un traitement hormonal substitutif ou une pilule contraceptive qui comble le manque de progestérone et d’œstrogène. « L’un de nos défis consiste à convaincre les patientes asymptomatiques – car il y en a aussi – de prendre ce traitement », observe le spécialiste. Anne fait partie de celles qui se seraient bien passées de prendre des hormones. « Mais en tant que professionnelle de la santé, je connais les risques liés à la fatigue ovarienne, comme l’appelle mon gynécologue. »

Causes inconnues

L’IOP peut notamment être due à certaines anomalies génétiques, telles que le syndrome de Turner, ou encore à des causes auto-immunes. Elle est d’ailleurs souvent associée à d’autres pathologies comme la maladie de Basedow ou le diabète de type 1. Un traitement par radiothérapie ou chimiothérapie peut également entraîner une insuffisance ovarienne. « Dans ce cas, il vaut la peine de discuter auparavant de solutions de préservation de la fertilité, principalement la stimulation ovarienne avec cryoconservation des ovocytes mûrs », note le spécialiste du CHUV. Grâce à la découverte récente d’une technique de congélation rapide, la vitrification, la survie des ovocytes fécondés a nettement augmenté.

Reste que dans plus de huit cas sur dix, les causes de la ménopause précoce demeurent inconnues. « Il n’est donc pas possible de s’y préparer, regrette Nicolas Vulliemoz. Lorsque le diagnostic tombe, il est terrible, car il touche les femmes au plus profond d’elles-mêmes ; ajoutez à cela le fait qu’il s’agit de patientes dont les hormones sont chamboulées, et vous obtenez des situations potentiellement très douloureuses au niveau émotionnel, d’où l’importance d’un accompagnement psychologique. » Solène* confirme : « Lorsque j’ai appris que j’étais atteinte d’une IOP, j’avais 25 ans ; depuis l’adolescence, je rêvais de fonder une famille, d’avoir plusieurs enfants. » Cette fleuriste de 30 ans se souvient du moment de l’annonce. « J’ai eu l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds. »

Besoin de sensibilisation

Anne, elle, n’a jamais eu de désir d’enfants, ce qui a allégé sa réception du diagnostic. Par contre la jeune femme a ressenti des craintes d’ordre médical et estime qu’une prise en charge optimale des personnes concernées par l’IOP passe principalement par l’information. « Actuellement, cette thématique est taboue et un certain flou règne, notamment au niveau de la terminologie. Ménopause précoce ? Insuffisance ovarienne prématurée ? Périménopause ? Transition ménopausique ? Fatigue ovarienne ? » Selon elle, si les femmes étaient davantage sensibilisées à cette question, elles auraient plus rapidement accès à un traitement. /

* nom connu de la rédaction



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