Chronique
Texte: Jean-Christophe Piot

Des champignons qui font rêver

En favorisant la croissance des plantes, les champi­gnons mycorhiziens permettent d’améliorer les rendements agricoles. La fin de la faim ?

On marche dessus tous les jours, mais pas question de les ramasser.

Présents partout, les champignons mycorhiziens sont un cas d’école de symbiose. « Grâce aux filaments qui se fixent au niveau des racines, ils fournissent des éléments nutritifs aux plantes, comme des minéraux ou du phosphate.
En échange, ils reçoivent notamment du sucre », résume Ian Sanders, généticien au Département d’écologie et d’évolution de l’UNIL.

Une autre espèce pourrait tirer parti de ce bénéfice mutuel : l’être humain, confronté à des crises alimentaires que les effets du réchauffement climatique viennent encore renforcer.
« On sait depuis les années 1970 que les réseaux mycorhiziens permettent d’augmenter les rendements de cultures comme le riz, le maïs, les pommes de terre ou le manioc », explique le chercheur. En laboratoire, ses travaux ont permis de multiplier la croissance du riz par cinq en 2010. Sur le terrain, des expériences à grande échelle d’une variété particulière, le Rhizophagus irregularis, ont été menées avec succès sur le manioc en Colombie, en Tanzanie et au Kenya. À la clé, de meilleurs rendements et une réduction de l’usage des intrants agricoles, phosphates en tête.

Reste à mieux comprendre un phénomène que la diversité
des champignons et des sols rend complexe, chaque parcelle exigeant des apports différents qui ne donneront pas les mêmes résultats quelques kilomètres plus loin. « Des champignons identiques produisent des descendants génétiquement variables, avec des effets différents sur les plantes. Ils modifient également le microbiome (soit l’ensemble des micro-organismes et leurs gènes vivant dans un environnement particulier) et la structure de chaque sol », explique Ian Sanders.

Aujourd’hui, Ian Sanders concentre son travail sur le manioc, plante tropicale cultivée dans les zones les plus arides de la planète, là où le risque de malnutrition voire de famine est le plus élevé. D’ici deux ou trois ans, le programme déployé avec des exploitantes colombiennes devrait permettre de faire avancer une recherche appliquée novatrice, utile et respectueuse des écosystèmes. /



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