Chronique
Texte: Charlotte Mermier

Stéroïdes sexuels: une affaire d’équilibre

Une molécule, une histoire: l'estradiol

Les signes du vieillissement s’impriment sur notre corps. Autour de 50 ans, les femmes atteignent la ménopause. Les menstruations cessent, les ovaires s’atrophient, la production d’ovules et d’hormones se tarit. Bouffées de chaleur, peau moins élastique, résorption osseuse, troubles de l’humeur peuvent s’ensuivre. Chez les hommes âgés, la plus discrète andropause apparaît de manière graduelle, occasionnant une perte de masse musculaire, une fatigue, des changements d’humeur, des troubles érectiles. L’explication biologique? La baisse de niveau des stéroïdes sexuels: œstrogènes chez la femme, testostérone chez l’homme.

Après qu’ils eurent identifié ce mécanisme, les médecins ont cherché à lutter contre ces signes de vieillissement en fournissant au corps les hormones manquantes. «Dès les années 1940, on a administré aux femmes des œstrogènes purifiés à partir d’urine de jument. Au XIXe siècle déjà, le professeur parisien Charles-Edouard Brown-Séquard injectait aux hommes défaillants une "liqueur " extraite de testicules de chien, supposée pallier un manque d’hormones. L’hypothèse était bien vue, mais la teneur en testostérone insuffisante à engendrer plus qu’un effet placebo», explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Le remède a donc d’abord été cherché chez les animaux. Depuis, des hormones synthétiques, plus puissantes et résistantes à la dégradation, ont été produites.

On peut donc «traiter» la vieillesse! À leurs débuts, les traitements hormonaux contre la ménopause furent adoptés sans réserve. Mais leur face sombre fut finalement dévoilée.

«Dans les années 2000, un grand essai clinique, la Women’s Health Initiative, a montré que la prise d’hormones pouvait favoriser les accidents vasculaires et les cancers du sein. Ces conclusions ont mis un gros coup de frein à la substitution hormonale de routine», raconte Thierry Buclin.

Du côté des hommes, les traitements proposés comme les pommades à la testostérone, outre les effets secondaires sur les patients (agressivité, troubles cardio-vasculaires…), provoquèrent d’étranges dommages collatéraux: des enfants, en contact avec la peau de leur grand-père, développèrent une puberté précoce.

Il est maintenant avéré que des doses excessives de testostérone, dans le cas du dopage par exemple, occasionnent des troubles du comportement, une infertilité, une impuissance sexuelle et des cancers. L’équilibre hormonal est délicat et sa rupture peut avoir de graves conséquences, par manque ou par excès.

Pour Thierry Buclin, l’évolution de ces traitements et de leur perception a une portée presque philosophique. «Lorsqu’on observe les attitudes face aux produits médicamenteux, on en apprend surtout sur les humains. Ces préoccupations anti-âge mettent à l’épreuve une certaine sagesse sociale: jusqu’à quel point faut-il accepter ou refuser de vieillir? Quelles limites y a-t-il entre secourir, aider, améliorer, surpasser ou destituer la Nature?»



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