Chronique
Texte: Serge Gallant
Photo: Philippe Gétaz

Serge Gallant

L’innovation pédagogique au service de la compétence? Attention aux risques de la «séducation»!

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Serge Gallant est directeur du Centre des formations du CHUV

En Suisse, la formation tout au long de la vie professionnelle est particulièrement développée et largement soutenue par les autorités politiques, les associations professionnelles et les employeurs. Avec ses 10’000 collaborateurs et collaboratrices assumant une centaine de métiers distincts, le CHUV consacre une partie importante de son budget en faveur du développement de son personnel.

A l’heure où les connaissances dans le domaine de la santé évoluent à vitesse grand V, la formation continue est fortement sollicitée afin de pallier rapidement les méconnaissances inévitables du personnel, celles d’un contexte où la médecine et les soins hautement spécialisés doivent répondre aux besoins d’une population vieillissante, gravement atteinte dans sa santé et vulnérable.

Il n’est donc pas étonnant que les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE), et notamment l’e-Learning, apparaissent comme autant de solutions miracle à qui veut croire qu’il n’y a qu’à transmettre d’un côté pour que l’apprentissage se fasse de l’autre.

Faut-il rappeler qu’entre l’investissement de l’expert clinique et celui de l’expert en TICE, les coûts de production d’un e-learning interactif, tel que celui présenté plus loin dans la rubrique Tandem, représente en moyenne 300 heures de travail pour 1 heure de formation?

Il n’est pas question ici de faire le procès des innovations pédagogiques et de prêcher pour le retour du bon
vieux tableau noir et de la craie blanche. Bien au contraire! Dans certaines conditions, ces développements technologiques ont démontré leur efficacité, tant du point de vue de l’apprentissage que de la maîtrise des coûts. Néanmoins, il ne s’agit que d’une stratégie pédagogique et en cela, l’investissement important qu’elle implique a le mérite de nous (re)poser la question fondamentale quant à la mission de la formation.

En milieu hospitalier, universitaire de surcroît, la finalité d’une formation continue ne peut agir uniquement au niveau de la connaissance du personnel. Il s’agit de mobiliser, pour le patient et ses proches, la compétence des professionnel-le-s, ce savant mélange de connaissances scientifiques, techniques, relationnelles, éthiques et collaboratives, toutes aussi importantes et indispensables les unes que les autres.

Cette préoccupation peut vite prendre la tangente lorsqu’il s’agit d’innovations technologiques… au risque de séduire les apprenants à défaut de leur permettre d’apprendre! ⁄



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